Quatorze

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DEVENIR UN(E) VIRTUOSE - Par Mojca Gal Shaumbra Magazine, Décembre 2022

 

 

 

DEVENIR UN(E) VIRTUOSE

 

 

Par  Mojca Gal

Shaumbra Magazine, Décembre 2022

www.crimsoncircle.com

 

 

Cela peut sembler évident, mais pour être /devenir un Maître, il faut se défaire / abandonner tout ce qui n'est pas magistral. Ce n'est pas toujours facile, mais heureusement, ce lâcher-prise est un processus naturel qui se déroule au moment idéal pour chaque individu, via un chemin qui lui est propre. Le mien est passé à travers la musique du comte de St. Germain.

La musique a toujours été ma passion. En fait, c'est par elle que j'ai choisi de faire l'expérience du processus d'éveil et d'une grande partie de la transformation subséquente qui s'ensuit. Il y a quelques années, je pensais que je ne faisais qu'enchaîner les crises existentielles sur le plan professionnel, mais maintenant je sais que tout cela m'a servi dans le cadre du voyage de retour à la maison.

 

La découverte de la musique ancienne a été un véritable tournant. Cela m'a ouvert un tout nouveau monde, avec beaucoup plus de potentiel pour être créatif. Vous voyez, la scène musicale classique « habituelle » est très basée sur la tradition, assez rigide et façonnée par les conventions.  Il y a peu de liberté d'interprétation : vous jouez exactement ce qui est écrit, d'une certaine manière. Peut-être seulement un tout petit peu plus « individuel » ici et là, un peu mieux, un peu plus en phase /en accord. Cependant, je ne suis pas particulièrement douée pour obéir aux conventions, juste pour le plaisir de le faire. En revanche, la musique ancienne, c'est-à-dire la musique écrite avant 1800, tente de comprendre les principes de la pratique de l'interprétation. Et ces principes non seulement vous permettent, mais vous demandent d'être individuel dans votre exécution et d'être créatif. En d'autres termes, la partition musicale n'est qu'une base, sur laquelle l'interprète va improviser, ajouter des embellissements, etc.

 

La musique est une expérience sensuelle : elle doit parler, peindre, exprimer. Deux notes ne sont jamais égales. L'harmonie est une bouchée, voluptueuse, fondante comme un morceau de chocolat noir. J'ai l'impression que la musique du XVIIIe siècle avait encore la beauté de la vraie sensualité, ou la sensualité de la beauté. Découvrir cela m'a aidée à m'ouvrir à l'expérience sensuelle en tant que musicienne et en tant qu'humain.

 

L'improvisation, c'est aussi être flexible et fluide, être prêt à prendre des risques, peu importe le résultat. Cela peut fonctionner à merveille, mais cela peut aussi ne pas fonctionner du tout. Au début, cela a été un véritable défi pour moi, car j'étais une horrible perfectionniste et, par conséquent, une sacrée maniaque du contrôle.

 

Ni l'une ni l'autre ne s'accorde avec l'improvisation ou la vraie créativité. Le perfectionnisme et le contrôle limitent/ restreignent le flux. Mais avec le temps, moins je jugeais/critiquais et craignais l'échec, plus je devenais flexible, et plus l'exécution pouvait se faire facilement ! Sans compter que j'ai commencé à y prendre vraiment plaisir.

 

Oui, j'aime l'art du XVIIIe siècle, et donc, à la fin 2020, j'étais très excitée de découvrir des solos pour violon écrits par le comte de Saint-Germain. Nous avons joué l'un d'eux lors d'un petit événement. La musique était charmante. Et puis, alors que nous étions debout sur le parking, l'idée a soudainement germé:« Faisons un enregistrement. Tartini et Saint-Germain.» Pour le contexte, la musique de Tartini m'est extraordinairement chère et proche. À tel point que cela a été le rêve de toute une vie d'enregistrer une partie de sa musique. Mais par manque de confiance en moi, je n'ai même pas osé exprimer ce rêve ! Et puis, avec un léger coup de pouce de la part de la musique de St. Germain, le rêve était sur le point de se réaliser. Une partie de moi paniquait : Vraiment ? Es-tu prête? Es-tu assez bonne?? Et il y avait la réponse en retour, venant du plus profond de soi : Détermination. Toi. Enfin. ARRÊTE de douter. Toi-même! MAINTENANT.

 

En quelques jours, nous avions une équipe formidable, un clavecin à utiliser gratuitement, un espace d'enregistrement, des délais définis et une maison d'édition. Il a suffi d'un coup de téléphone et de quelques e-mails. C'était facile. J'étais émerveillée, stupéfaite. Le dernier projet de ce genre a été un défi, c'est le moins qu'on puisse dire. Le résultat était sympa, mais je l'ai traversé principalement avec le bon vieux sentiment « pauvre moi me sacrifiant pour l'art et mon ensemble ». Mais CETTE fois-ci, j'étais déterminée à le faire différemment. Avec dignité, comme un Maître.

 

Le début était trop beau pour être vrai, mais ensuite tout n'a pas été rose. Oh non. Le problème du doute de soi n'était que la partie émergée de l'iceberg auquel nous allions être confrontés au cours des semaines suivantes. Le plus grand paradoxe était peut-être que j'ai décidé d'enregistrer les œuvres d'un compositeur qui n'avait aucun problème à recevoir des cadeaux ou à permettre l'abondance. En plus de cela, je voulais réaliser le projet en tant que Maître !

 

J'étais tout à fait consciente que me lancer dans ce projet m'obligerait à aborder certains problèmes pour de vrai, et pas seulement en théorie. Sans excuse. Essentiellement, tout se résumait au manque d'estime de soi et au fait de « ne pas être assez bonne pour mériter plus qu'un minimum.  Il y avait des croyances profondément ancrées (et en grande partie ancestrales) à affronter et à laisser partir. Les croyances, par exemple, que je dois toujours travailler dur pour mériter quelque chose de bien, que le sacrifice et la souffrance sont obligatoires, et que me faire passer en dernier est une attitude « juste ».

 

 J'ai eu du mal à recevoir des cadeaux. Je préférerais les refuser ou penser que je devais immédiatement donner quelque chose en retour. J'avais l'impression d'être un cas désespéré de la clinique de l'abondance. De toute évidence, j'avais vraiment besoin d'un bon coup de pied au cul. Et je l'ai eu.

 

Afin de financer le projet, j'ai dû lancer une campagne de financement participatif.

 

Une telle campagne ne peut, en substance, réussir que si l'on crée en soi l'environnement nécessaire pour que le soutien arrive et que l'on soit disposé à le recevoir. Moi, par contre, j'avais autant de mal à recevoir une quelconque aide ou un quelconque soutien, de qui que ce soit, que je souhaitais que le projet aboutisse. Et ce mélange ne fonctionne pas vraiment - c'est comme dire « oui » et « non » en même temps. Comment l'énergie doit-elle réagir, au « oui » ou au « non » ? Ce n'était pas vraiment amusant et j'ai vécu trois semaines d'enfer- à négocier avec moi-même, à tergiverser en libérant des croyances, à retomber dans le doute de moi-même, à sortir à nouveau - encore et encore. Finalement, je m'en suis sortie et la campagne a réussi.

 

Je ne prétendrai pas que tous les problèmes d'estime de soi ont été résolus pendant cette période, mais ce fut une percée et j'ai libéré certaines des pires ordures.

 

Enfin, j'ai pu me concentrer sur une partie délicieuse, à savoir la musique elle-même. Or, la notation musicale des solos de violon est plus ou moins une esquisse, plutôt simple à première vue, comme le sont de nombreuses sonates du XVIIIe siècle. Mais une partition musicale de cette époque n'a jamais été destinée à être jouée exactement telle qu'elle est écrite. Ce n'est pas comme un dîner à emporter. Au contraire, elle vous fournit des ingrédients de base, mais vous devez quand même les cuisiner vous-même et les assaisonner correctement si vous voulez qu'ils aient bon goût. Souvent, cela signifie que vous devez ajouter plus de notes que ce qui est écrit. J'utiliserais ma connaissance de la pratique de l'interprétation du XVIIIe siècle comme une « recette de cuisine » de base, mais je ressentirais ensuite la composition et tout ce qu'il y a « derrière » la notation elle-même. Les potentiels cachés d'une pièce peuvent vraiment faire prospérer /fleurir la musique lorsqu'ils sont perçus et mis en valeur au mieux des capacités de l'artiste. Mais, bien sûr, la manière exacte de comment embellir la musique est un autre problème. Il n'existe aucun traité de musique contenant des instructions supplémentaires de Saint-Germain. Cependant, j'ai trouvé deux belles (et amusantes) descriptions du comte en tant qu'interprète, écrites par ses contemporains du XVIIIe siècle.

 

Sur le jeu du violon :

 

Mais son jeu était vraiment délicieux ! Le violon dans ses mains a toute la douceur d'une flûte, et pourtant toute la force des cordes les plus bruyantes/fortes : son exécution n'est pas aussi rapide et prodigieuse que celle de Veracini & Geminiani ; mais son Jeu est plus facile et plus harmonieux & son Excellence est la Douceur.

 

Il se pique, vous savez d'Exprimer des Passions dans sa Musique surtout les plus tendres, & sa Composition & sa Manière sont presque toutes Affectueuses/Aimantes; car sa musique est entièrement adaptée à sa propre manière de jouer et ne serait rien, j'en suis convaincue, de la part de quelqu'un d'autre. (Lettre de Horac Walpole) ;

 

 Et sur le chant :

 

Il n'a absolument pas de voix, ce qu'il chante est feint, et si bas que dans une grande pièce c'est tout à fait perdu, pourtant il l'élèvera parfois jusqu'au tonnerre d'un chant de rage autant qu'il se languira dans une chanson d'amour: car son Action est encore plus Expressive que ses Sons.

Il s'accompagne sans livre ; & s'adresse à la Compagnie dans Tout ce qu'il a à exprimer: il fronce les sourcils & Dédaigne & Menace & regarde avec Fureur quand il doit être dans une Passion , & est si terriblement Doux & Languissant dans ses Tendres Dispositions qu'il est impossible de le soutenir. Malheur à la personne qui se trouve à portée de son Regard, car il fait l'amour si violemment qu'ils doivent avoir la plus inflexible contenance pour le supporter.

 

Comme il est entièrement possédé par le rôle qu'il joue, je crois qu'il s'adresserait aussi bien à un vieil homme qu'à une jeune femme qui serait son voisin proche, mais la pauvre Miss Yorke qui se trouvait dans cette situation, &qui n'avait pas l'habitude d'être ainsi adressée sans comprendre ce qu'il disait, aurait été très contente d'être hors de là, & avait l'air si embarrassée que nous n'étions pas un peu distraits. Aucune belle dame ne peut rester à son coude pendant qu'il chante, et se croire l'objet réel de toute cette langueur sans que cela lui monte au cœur. (Lettre de Dame Jemima)

 

À partir de ces descriptions, il était encore plus clair que nous devions rechercher une exécution subtile mais expressive et très fleurie. Nous avons passé quelques semaines à expérimenter et à chercher, essentiellement à ressentir/à nous imprégner de  la musique du comte St. Germain.

 

Avec certaines musiques, l'énergie tissée dans la composition est si forte, ou peut-être résonne-t-elle tellement en moi, qu'elle me secoue au plus profond de moi-même. Toute expression devient presque une expérience physique, que ce soit la joie ou le désespoir, ou quoi que ce soit entre les deux. Je peux me retrouver à voler avec le premier mouvement et à avoir le cœur qui se serre avec le second, parfois jusqu'aux larmes. La musique de Saint-Germain est très évocatrice. Je l'ai jouée de nombreuses fois pendant un an et demi, et l'effet ne s'est jamais dissipé, il est resté fort et constant.

 

Il était rempli de tant de passion, que je la ressentais dans mes muscles et mon corps. Une sorte d'énergie à la fois douce et grandiose, qui me met dans un état de présence très alerte et ouvert. C'était un tel privilège de découvrir et de jouer sa musique.

 

Cela fait environ un an et demi que ces événements se sont produits, mais je n'ai pas été en mesure de les comprendre dans un contexte plus large jusqu'à récemment. Sur le plan musical, j'ai enfin arrêté de tergiverser et abandonné une image de moi à laquelle je m'accrochais encore, à savoir celle de l'éternel apprenti, et j'ai pu me tenir devant les micros avec la dignité d'une virtuose.

 

Ce lâcher-prise, par rapport à de vieilles limitations de longue date, m’a conduite à participer à des Classes Cloud encore plus transformatrices telles que Threshold ( SEUIL) et Soul Encounters (Rencontre d’âmes). Celles-ci étaient hors de mon radar lorsque je gardais encore tous ces déchets, et elles ne sont devenues une option que lorsque j'ai eu la volonté de les jeter.

 

C'est tellement rassurant de voir comment tout se déroule dans l'ordre et la vitesse les plus appropriés.  J'ai réalisé que je n'ai rien d'autre à faire que de me détendre et d'être ouverte à tout ce qui vient ensuite, car je suis toujours exactement là où je dois être.

 

Mojca vit à Bâle, en Suisse, où elle partage son amour pour l'art en tant que musicienne et danseuse. Elle aime aider les gens à entrer en contact avec leur corps et leur respiration en tant qu'instructrice de Pilates (un système d'exercices utilisant un appareil spécial, conçu pour améliorer la force physique, la flexibilité et la posture, et améliorer la conscience mentale) et de travail  respiratoire.  Mojca peut être contactée via son site Web, MojcaGal.com,  et ici

pour obtenir plus d'informations sur sa musique.

 

 

 

 

 

Interprétation de Feolla 

feolla.ca@gmail.com    www.quatorzenouvelleenergie.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 



03/12/2022
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