Quatorze

Quatorze

LE JAZZ DE LA VIE- Par Pablo Vega -Shaumbra Magazine, Août 2022

 

 

 

LE JAZZ DE LA VIE

 

 

Par Pablo Vega

Shaumbra Magazine, Août 2022

www.crimsoncircle.com

 

 

John ne se sentait pas bien ces derniers temps, mais ce soir-là, il a soudainement décidé d'aller à un concert de jazz au bord de la mer. Assis juste sous le grand phare, il appréciait le balancement des palmiers et la lune gibbeuse croissante qui glissait gracieusement dans le ciel clair de l'été. Il était assis seul, mais la musique l'apaisait et le distrayait, la brise fraîche  de l'été le réconfortait et le rafraîchissait. Oui, pensa-t-il, c'était la bonne décision de vaincre la résistance et de conduire pendant une heure pour arriver là.

 

En écoutant la musique, John a réalisé à quel point il se sentait seul, ennuyé, vide et épuisé. Sa vie semblait tellement décalée par rapport à celle des autres autour de lui ; ils semblaient toujours pouvoir trouver un sens ou une satisfaction à leur existence quotidienne. Mais, peut-être le pire de tout, il semblait avoir perdu le contact avec l'amour qu'il savait être en lui. En même temps, pour (apparemment) aggraver les choses, John savait aussi qu'il ne voulait pas être dans une relation étroite avec qui que ce soit, car cela signifierait la perte de son propre espace personnel. C'était la chose la plus précieuse pour lui et quelque chose qu'il avait réussi à créer et à garder relativement intact.

 

John avait l'impression qu'il ne créait rien de valable dans la vie. Il voyait comment les gens autour de lui étaient toujours en train de créer ou de construire quelque chose dans leur vie, que ce soit seuls ou avec des partenaires de travail, des amis ou des familles. Tout le monde était passionné par quelque chose, même s'il s'agissait de résoudre des problèmes dans leur vie. Mais John, eh bien, il semblait simplement dériver le long de la rivière, regardant ce qui se passait sur les rives mais ne voulant s'engager dans rien sauf quand c'était nécessaire. Sa vie n'avait pas de drame mais pas de passion non plus ; il survivait mais ne VIVAIT PAS

 

Ayant ressenti cela depuis son adolescence, John semblait souvent déconnecté des chemins des autres, incapable de créer le sien, ne voulant pas se forcer à entrer dans quoi que ce soit, et ne souhaitant pas se forcer à sortir de quoi que ce soit à moins que cela ne devienne trop douloureux. Il voulait ressentir l'amour, mais pas le chercher ou dépendre de quelqu'un d'autre pour l'obtenir. Sa vie semblait vide, mais pleine de non-sens. Il avait un bon travail, mais il ne profitait pas des fruits de celui-ci. Les gens l'appréciaient, mais il trouvait peu de valeur dans ce qu'il faisait. Si sa vie était censée être le reflet de sa conscience, son miroir était brumeux et obscurci, filtrant et dispersant la lumière qui lui parvenait et la renvoyant indéfinie et vague.

 

Que se passait-il? Peut-être que la Création voulait expérimenter à quel point son expression 3D pouvait être aspirée par John lui-même (pourquoi par lui en particulier, il ne le savait pas). Peut-être était-ce là, paradoxalement, le sens de tout cela - connaître si profondément le non-sens que l'on puisse en extraire une certaine sagesse et un certain sens.  John avait probablement fait tout ce qu'un être humain pouvait faire pour trouver la transcendance, l'illumination, la réalisation. Mais toutes ces expériences ne semblaient pas avoir beaucoup d'effet, après tout. Ce soir-là, au concert, il avait l'impression d'être revenu à la case départ, sachant qu'il y avait plus - quelque chose de profond et de mystérieux, d'insaisissable et d’éphémère, de simple mais de vaste, de puissant mais humble, d'expansif mais stable - mais incapable de le trouver. Il était là depuis le début, rien n'avait changé. Toute la recherche, l'apprentissage et l'enseignement, tout le temps, l'argent et l'énergie dépensés pour arriver « là » n'avaient fait que le ramener « ici » au début, à la maison comme le fils prodigue.

 

La vie est un putain de solo de jazz, pensa John. C'est apparemment chaotique, mais avec une structure cachée qui la guide; apparemment sans but mais avec un objectif ; plein d'opposés, mais toujours en quelque sorte équilibré d'une manière ou d'une autre. Ne sachant pas quoi faire d'autre, John a conclu qu'il essaierait simplement de profiter de quelques choses simples dans la vie, car il n'aimait pas les complications. Il était en paix lorsqu'il était immergé dans les montagnes et dans les forêts, car elles lui apportaient du réconfort et de l'amour-joie dans son cœur. Il comprenait le langage de la beauté dans la nature et les arts, et il lui arrivait parfois de chanter des airs simples tout en jouant de son ukulélé ; rien de très spécial du point de vue musical, mais néanmoins agréable. Ces choses simples lui suffisaient pour être heureux, mais la vie dans le monde était un défi  parce qu'il sentait qu'il devait continuer à se forcer dans des structures rigides telles que le travail, la famille, la circulation, la bureaucratie et plus encore.

 

Ces choses l'épuisaient souvent et lui enlevaient la joie de la vie simple à laquelle il aspirait. Mais, en même temps, John sentait que s'il n'avait pas de liens familiaux, pas de travail et pas d'amis, il n'aurait probablement aucune raison de rester sur la planète. Ces choses ne lui procuraient pas de joie, mais elles soutenaient peut-être son besoin de rester en cette période de changements rapides. Pourtant, il se sentait perdu dans le labyrinthe de la vie humaine, étriqué dans cette réalité de règles, et frustré parce qu'il savait qu'il était libre quelque part au fond de lui.

 

Malgré toutes ces pensées, la musique apaisante a commencé à envoûter John, et il s'est finalement laissé emporter par la musique dans une spirale de nouveaux sons tourbillonnants. La nuit d'été était délicieuse et la lune brillait à côté de la vitre de la lanterne du phare. Il commença à se détendre et à se connecter à son propre noyau libre, chevauchant les notes de musique et se berçant doucement avec les mélodies et les rythmes de la musique. C'était agréable.

 

Puis, dans un élan soudain, il comprit que la beauté de la musique avait beaucoup à voir avec le mystère de la vie. Tout comme la musique - qui ne cesse de créer, de s'exprimer et de disparaître constamment dans les airs pour mieux revenir, John pouvait aussi créer sans but. La musique était un équilibre parfait d'énergie qui entrait et sortait; suivies par la création, l'expression et la libération suivantes. Peut-être pourrait-il commencer à vivre de cette façon aussi; vivre et exprimer ce qu'il aimait simplement, libérer ce qui était bloqué, se déplacer le long des berges de la rivière là où la facilité et le flux l'emmèneraient dans la joie. Peut-être que son expression créative n'avait pas besoin d'un but, d'une forme, d'une chose, d'un rôle. Peut-être que son expression consistait simplement à éprouver de la joie dans tout ce qui se trouvait dans le moment présent. Peut-être qu'il était lui-même le sens même de sa présence ici, faisant chaque pas et prenant chaque décision en fonction de ce qui créait plus de joie.

 

La vie de John, à partir de maintenant, pourrait être la même, pensait-il, mais complètement différente en même temps, car d'une manière ou d'une autre, la joie changerait tout sans qu'il y ait de gros tremblements de terre ou d'ébranlement de ses fondations.

 

PEUT-ÊTRE QUE LA JOIE ET ​​LE BIEN-ÊTRE PRENDRAIENT SOIN DE TOUT.

PEUT-ÊTRE QUE SON CŒUR ÉTAIT TOUT LE SOUTIEN ET L'ORIENTATION DONT IL AVAIT BESOIN.

PEUT-ÊTRE, SEULEMENT PEUT-ÊTRE, ÉTAIT-IL LA RÉPONSE À TOUTES SES QUESTIONS.

PEUT-ÊTRE QUE TOUTES LES QUESTIONS N'ÉTAIENT QUE DES PRÉTEXTES POUR PARTIR À L'AVENTURE.

PEUT-ÊTRE QU'UNE AUTRE AVENTURE N'ÉTAIT PLUS NÉCESSAIRE.

OU PEUT-ÊTRE, JUSTE PEUT-ÊTRE, LA VÉRITABLE AVENTURE ÉTAIT SUR LE POINT DE COMMENCER À CE MOMENT PRÉCIS DE RÉALISATION.

 

 

 

Pablo Vega vit à Gran Canaria, l'une des belles îles Canaries, et travaille actuellement comme enseignant-administrateur dans une école publique. Il adore explorer la nature, que ce soit en randonnée ou à vélo, et aime également jouer au beach-volley avec ses amis l'après-midi et observer les étoiles lorsque le monde devient très calme la nuit. Dès qu'il le peut, il part en road trip/ sur la route dans sa petite camionnette et profite de la liberté totale que cette expérience  lui apporte. Vous pouvez le trouver sur facebook.com/pablograncanaria.

 

 

 

Interprétation de Feolla 

feolla.ca@gmail.com   www.quatorzenouvelleenergie.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



14/08/2022
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi